mardi 26 avril 2016

Concerto pour piano à quatre mains et deux majeurs

Somatognosie Psyclothymique (essai)
 
(Les numéros renvoient aux titres présents sur le lien YouTube ci-dessous et constituent l'ossature de ce texte purement fictif...ou pas) :)

 Bonne lecture et bonne écoute.



Assise à tes côtés, mes mains parcourent ce clavier, toujours sur le fil (8) de mes envies de toi, comme à l'été 78 (6) de ce premier rendez-vous (4), rue des Cascades (18), l'époque du temps de la fin de l'insouciance, de la fin de l'âge heureux et de la fin de l'enfance (10)...la fin de l'innocence.



Elles se souviennent encore de nos escapades, à la dérobade, quand toi et moi, couchées dans le foin derrière le Moulin (17), tu avais fini par me confier ton secret, car j'avais su gagner ta confiance et je recevais la moindre de tes confidences comme un don du ciel.



Je n'avais pas compris la démarche (16) sur le moment, refusant d'y croire, refusant de t'imaginer dans les bras d'une autre, refusant l'évidence qui pourtant me crevait les yeux et le coeur.




Je me souviens aussi très bien de ma gène de n'avoir pas eu le courage de t'avouer le mien alors, essayant de donner le change en prenant un air faussement détaché, tout en mâchouillant quelques brins d'herbe glanés ça et là, avec le secret espoir qu'ils puissent être aussi toxiques que de la cigüe, au fur et à mesure que tu parlais. Tu avais même pris mes mains dans les tiennes en me faisant jurer de ne jamais en parler à quiconque. J'avais voulu esquisser un mouvement de recul, j'aurais voulu disparaître, ne plus exister, m'anéantir encore plus que je ne l'étais, mais comme dans les pires cauchemars où des créatures terrifiantes nous poursuivent sans qu'on ne puisse avancer d'un pas, j'étais paralysée.



Et puis il y a eu la valse d'Amélie (5) qui venait de nous surprendre, rameutant les autres de ses cris, avec son air satisfait de future fouille-merde (je crois qu'elle a fini pigiste à Closer) et tout s'est arrêté.



Le retour au camp, le savon, l'engueulade mémorable devant les autres, livrées à la meute des imbéciles prêts à la curée, je me souviens surtout de ton air de biche traquée, tandis que tu la cherchais du regard, et que je pestais de toute la force de mes 14 ans contre toute l'absurdité du Monde. En regardant Lara (3), j'ai compris qu'elle avait compris que ton coeur ne battait que pour elle et que vous alliez bientôt vous retrouver dans le dortoir des grandes, et que la chute (13) n'en finirait à présent jamais pour moi.




Puis l'année d'après, une autre comptine d'un autre été (2) au cours duquel on s'est retrouvées, l'absente (19) ne pouvant plus me dérober ces doux instants passés auprès de toi, entre nos longues promenades à bicyclette sur les routes de campagne, pour rejoindre la plage (12) à proximité du chantier naval (7), ou encore les veillées dans la grande salle avec les deux pianos (15) désaccordés dans le fond, sur lesquels tour à tour nous massacrions les quelques accords que nous avions appris.



C'est au cours d'une de ces soirées, quand nous avions pu enfin rester seules, que tu m'avais raconté la dispute (9) qui avait mis fin à votre idylle, la fois où elle t'avait dit le matin (14) au téléphone "j'ai vu papa aujourd'hui (1), il est revenu à la maison le temps de régler les derniers préparatifs de notre départ pour notre nouvelle vie en Australie...trop contente...on va habiter un ranch dans le Queensland au milieu des kangourous...et puis tu sais, de toutes façons toi et moi ça ne pouvait plus durer...ne m'en veux pas...et puis tu sais à mon bahut j'avais rencontré un garçon et je crois que finalement je préfère les mecs...bonne chance."



Tu m'avais aussi raconté ton envie d'en finir à la suite de tout ça, tes tentatives de suicide, ton mal-être permanent, ta peur de ne jamais être comprise, de ne pas être "normale"...et cette fois c'était moi qui avait pris tes mains dans les miennes, pour ne plus les lâcher, c'était moi qui avait enfin trouvé la force de te dire mon secret, sans personne pour nous surprendre encore, pour nous juger.



On avait fini par s'enlacer, et puis s'embrasser, serrées l'une contre l'autre, en rêvant que cette nuit d'été ne finisse jamais...



Et puis la vie est passée...il y a eu le voyage sans retour de la mère (11), la mort du père, mais cette nuit n'a jamais vraiment fini, même si aujourd'hui les trains de banlieue ont remplacé nos vélos, même si on ne s'aime plus sur les mêmes accords que ceux de cette nuit, et même si le Monde a changé, toi tu es toujours restée la même et tu le resteras toujours à mes yeux, puisqu'aujourd'hui encore tu es là, avec moi...







© Les Contes Oniriques, 2016
Droits réservés

1 I Saw Daddy Today
2 Comptine d'un autre été
3 Watching Lara
4 First rendez-vous
5 La valse d'amelie
6 Summer 78
7 Naval
8 Sur le fil
9 La dispute
10 Childhood
11 Mother's Journey
12 La Plage
13 The Fall - La Chute
14 Le matin
15 Les deux pianos
16 La Demarche
17 Le Moulin
18 Rue des Cascades
19 L'absente

Petit lexique :

Somatognosie : réfère à la connaissance qu'un individu a de son corps et des relations entre ses différentes parties.

Cyclothymique : personne atteinte d'un trouble de l'humeur dans le spectre de la bipolarité, au cours duquel les périodes euphoriques et les périodes dépressives et d'irritabilité se succèdent.

Psyclothymique : néologisme sorti tout droit de mon cerveau malade désignant une personne atteinte de psychopathie et de cyclothymie

Somatognosie Psyclothymique : je vous laisse trouver le sens de l'association des deux...et puis ça donne un côté Erik Satie (lui aussi il donnait des noms bizarres à la musique)

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