dimanche 3 mars 2019

Tequila-lipstick sur tranches de vie, la nuit...



M'inviter à danser ?

Quelle drôle d'idée, belle inconnue qui ne demandait qu'à ne plus l'être...en plus je danse très mal, souvenirs d'une vieille blessure qui me fait me tenir raide comme un piquet de grève, planté dans la plage de sable blanc du temps qui s'égrène et qui ternit les miroirs.
Je me lève pourtant sans une seule seconde d'hésitation, comme mue par l'électrochoc d'un défibrillateur après une arythmie subite.

Je t'ai vue avant que tu ne viennes me chercher à notre table...qui ne t'aurait pas remarquée, quand tu dansais près de ces deux filles au bar, captant déjà tous les regards ?
Pas le temps de réaliser encore, que ta main m'emporte déjà, et que je me retrouve face à toi au milieu de la piste, me demandant ce que je fais là, mais occultant tout le reste, ignorant même les décibels qui vrillent pourtant mes tympans. Mais comme en toute chose il faut toujours savoir en tirer le meilleur parti, je mets aussitôt à profit ce petit désagrément pour me rapprocher un peu plus près de toi, venant coller ma bouche au creux de ton oreille, en caressant ton visage au passage de mes doigts, venus délicatement écarter ta chevelure abondante, jolie métisse aux boucles élastiques que tu laisses retomber en cascade sur tes joues.

Véro ? Enchantée (qui ne le serait pas ?), moi c'est Caro. Je te sais déjà un peu "partie", le Ti punch n'y étant pas étranger, mais qu'importe, puisque tu es belle et que tu le sais. Tu as bien fait de me choisir, j'en sais d'autres qui auraient sans doute abusé de la situation, mais j'aime trop les femmes pour ça.

Puis sans détour et sans le fard qui orne tes pommettes, tu te confies, simplement, regrettant l'absence à tes côtés d'un homme que tu attends désespérément depuis 9 ans (le fou, le fol, l'imbécile)...je le condamne aussitôt aux oubliettes et te regarde plus intensément. Au-delà de ton aisance et de toute la sensualité qu'elle exprime, quand tu ondules de tout ton corps de femme contre moi, paraissant si forte mais si fragile à la fois, joli paradoxe de féminité exacerbée aux regrets enfouis au fond de ton âme meurtrie...je sais mieux que quiconque déceler ta tristesse qui sourd de toi. Tu es venue te perdre dans ce bar aux illusions peintes sur les murs, pensant y trouver toute la "magie" qu'elles te laissaient entrevoir une fois franchie la porte...une porte de plus que tu as ouverte au cours de tes errances nocturnes, voulant trouver un refuge à ta solitude..

23 ans ? Mon dieu, j'en ai plus du double, mais à ce moment ça ne compte pas, ça ne compte plus, et puis c'est vers moi que tu es venue, alors que tu n'avais que l'embarras du choix. Surtout, ne change pas, tu trouveras, tu as toute la vie pour ça.

Je te suis ensuite au dehors, quand tu t'en vas fumer une cigarette, et nous nous retrouvons assises toutes les deux à la terrasse, tandis que le soleil est parti se coucher depuis longtemps, laissant sa place à la nuit noire, et c'est enfin le moment où je peux pleinement te regarder, loin des sunlights des tropismes de faux-semblants, là où tu te dévoiles un peu plus encore, juste nimbée du halo de ton aura qui te rend encore plus belle quand elle te fait lâcher prise. Tu t'ouvres alors un peu plus à moi, me racontant ta vie, comme dans une confession qui t'absoudrait de tes péchés de jeunesse et de tristesse de ne pas te sentir désirée autant que tu le mérites, dans ta beauté exotique, au doux parfum de cuba libre ou de tequila, même si pour une fois je tourne à la vodka...une fois n'est pas coutume, et puis tu es là, alors que m'importe l'absence de tequila.



Tu m'as demandé de passer la nuit avec toi, comme ça, tout simplement, comme une évidence tant ça te paraissait couler de source, et ça l'était, de toute évidence. "Viens dormir chez moi." m'as-tu dis, comme un cri du cœur, sans même me connaître, mais en sachant que j'allais te faire passer du "côté obscur" de l'amour entre deux femmes à peine ta porte franchie, et dieu sait, pour autant qu'il existe, qu'à cet instant précis, j'en avais vraiment envie, envie de toi, de te donner tout ce que ton corps réclamait, trop longtemps délaissé dans un "no man's land" d'amour, mais je ne pouvais pas être l'objet de ta quête, puisque j'ai aussi compris que ton "saint graal" ne prendrait pas encore forme entre mes seins et mon calice, et que seule l'ivresse du moment t'avait emmenée te fourvoyer au-delà de tes frontières, "borderline" dans tes errances à la recherche du grand frisson et de l'interdit, mais avec cette petite voix qui te martelait encore ses réticences, entre deux remontées d'alcool.

Je ne vole jamais les baisers, aussi n'ai-je pas pris de force tes douces lèvres que tu m'as pourtant offertes quand est venu le moment de nous quitter, te laissant reprendre le cours de ta vie et rejoindre ta zone de confort, auprès de ce mec appelé en renfort, pour t'ôter toute velléité de succomber, mais ton joli clin d'œil et ton sourire à la dérobée bien plus tard en revenant dans le bar en disaient plus long qu'un jour sans fin...avant que tu ne repartes à son bras.

"Deux étrangères qui se rencontrent…", enfin bref, vous connaissez la chanson...mais quel dommage, une si belle femme...ce monde est rempli de cons.
Un jour, on se retrouvera, peut-être, puisque tu m'as laissé ton numéro de téléphone et moi le mien, et ce jour là tu seras peut-être enfin prête, mais je n'aime pas brusquer les choses…

© Les Contes Oniriques, 2019
Droits réservés