lundi 21 mai 2018

Centaurines sur l'île des Amazones



Bienvenue, ô naufragée, sur l'île des Amazones, et aborde notre rivage en toute sérénité. N'aie pas peur de t'être échouée sur notre grève, les filles de Neptune t'ont conduite jusqu'à nous après avoir entendu nos prières.

Sur cette île perdue au milieu des océans, hors du temps et des routes ultramarines, au sommet du piton de laquelle je veille, gardant au repos cette autre sentinelle et guettant jour et nuit, de l'aube au crépuscule, puis des vêpres alanguies à l'aurore assoupie, les voiles en détresse de merveilleux vaisseaux, bricks, frégates ou brigantines, se détachant sur les horizons lointains et azuréens, aux limites desquels le ciel se meurt dans la mer.

Tu es venue, portée par les alizés, ballotée par les vagues, croisant au grand large, affrontant ces océans parfois pacifiques qui laissent aussitôt leur place à des mers déchaînées aux effroyables tempêtes, furie des éléments qui ont marqué ton doux visage giflé par les embruns, ta peau de porcelaine hâlée par le soleil puis brûlée par le sel, cette peau pourtant si douce sous la pulpe de mes doigts, cette peau frémissante qui recouvre tout ton corps, bien mieux que ne le feraient les lèvres d'un millier d'amantes.

N'aie crainte, laisse-toi aller à mes caresses et ferme les yeux, bercée par tes rêves, je ne te veux aucun mal, juste veiller sur toi et te laisser reposer, te regarder dormir et recouvrer doucement tes forces, pour qu'à ton réveil je t'accompagne et guide tes pas de ma main pour te faire découvrir toutes les splendeurs et les beautés de notre territoire, terra incognita mais aux couleurs chatoyantes et aux senteurs subtiles des délicieux fruits mûrs que tu cueilleras de ta main pour étancher ta soif et assouvir ta faim, et bien plus encore, il ne tient qu'à toi de rester pour l'éternité, brûler ton navire pour ne plus repartir, tel un Cortès passé de l'autre côté du miroir et découvrant un nouveau monde.

Dors ma belle, et si pour l'heure tu me vois encore Centaurine, créature hybride qu'un docteur Moreau aurait abandonnée sur son île, encore perdue dans tes songes peuplés de chimères, dis-toi que très bientôt tu me verras différente, et que déjà tu vacilles, prête à laisser plutôt le rêve d'un Morel te recueillir au creux de ses bras, ce rêve au sein duquel tu as déjà toute ta place, jolie vagabonde des limbes…



Lovée au coeur de mes nuits chaudes et langoureuses, offrant à mes regards, exquise divinité, les courbes de ton corps dont je suis amoureuse, caressant de mes mains ta douce nudité, livre-toi en sommeil au gré de tes envies afin que ton réveil te découvre épanouie.

Vois l'aube poindre et l'aurore naissante venir t'arracher peu à peu aux rets qui te retiennent encore prisonnière de ton sommeil, l'astre du jour auréolé de brume est impatient de darder ses premiers rayons sur tes contours, rayons que je viens contrarier de ma main, jouant à épouser tes courbes, jeux d'ombres et de lumière, m'attardant sur tes seins, que je peux presque sentir frémir et palpiter sans toutefois encore pouvoir les toucher pour ne pas te brusquer, l'ombre de mes doigts roulant sur leurs pointes, mimant un agaçant ballet autour de tes tétons que je vois poindre sous ton chemisier, tandis  que tu reprends lentement contact avec la réalité.

Tes yeux se sont ouverts et je reste figée, ma main suspendue à quelques centimètres de ton visage, son ombre portée a cessé de te caresser, elle fait comme un imprimé zébré sur le tissu blanc immaculé qui t'enveloppe, trace incontestable du jeu auquel je me suis livrée sans ton consentement. Tu baisses ton regard et tu réalises alors pourquoi je me mords les lèvres à cet instant, toujours immobile et n'osant plus faire un geste, prise la main dans le ressac des vagues de ton drapé qui ondoie à chacune de tes inspirations. Cette fois tu me regardes fixement, devenant maîtresse du jeu, puis agrippant mon poignet, tu viens réduire à néant toute tentative de fuite de ma part, en plaquant ma main contre ton buste frémissant, et commences à te caresser en gémissant doucement, usant de moi comme j'ai pu abuser virtuellement de toi, changeant la règle du jeu à ton avantage, pour mon plus grand plaisir et mon divin bonheur, mon doux bonheur du jour.

Puis, de ton autre main, tu m'invites à venir me pencher sur toi, la passant dans mes cheveux, lui faisant exercer une douce pression sur ma nuque afin que je m'exécute, condamnée volontaire à subir ta sentence, je plaide coupable de mes envies de toi et j'y souscris pleinement, m'abandonnant à tes lèvres, laissant ta langue envahir ma bouche, m'enivrer de ton souffle, et me perdre dans tes moiteurs et tes senteurs, ma jolie naïade.
Je sens une douce torpeur s'emparer de mon être et anesthésier ma volonté de te résister, mais comment le pourrais-je, dès lors que ton doux poison a commencé à s'instiller en moi, et agit comme le puissant neurotoxique d'une créature des abysses ? Pétrifiée autant que médusée, je plonge mon regard dans le tien, ne rêvant plus que de t'appartenir, ne faire plus qu'une avec toi comme le corail et son récif, ma belle gorgone. Comme dans un merveilleux enchantement, tu fais disparaître nos habits rendus inutiles par la chaleur qui nous anime et nous voilà nues comme au premier jour, peau contre peau.

Je me noie dans ton baiser, nos langues entremêlées et nos lèvres soudées nous laissant juste assez de souffle pour laisser échapper quelques soupirs et quelques gémissements pour mieux goûter l'instant, et nous roulons sur le côté, toujours enlacées. C'est alors que tu commences à faire courir tes mains sur mon corps, et que je fais de même pour t'envelopper de mes caresses, laissant nos jambes s'entrecroiser, comme mues par un désir fou et incontrôlable, attirées l'une à l'autre, la moindre parcelle de nos deux corps mêlés réclamant toujours plus et avides de nous découvrir.

Tu viens alors glisser ta main entre mes cuisses, la plaquant contre ma vulve, avant que la mienne vienne recouvrir la tienne, puis comme si nous n'attendions que cet instant, nos mains à l'unisson de nos deux mottes entament un doux et savant massage, que viennent rapidement parfaire nos doigts inquisiteurs, arpentant nos doux sillons mouillés de nos envies, puis en écartant doucement les pans de nos labiales qui nous cachent les secrets de nos intimités, nous les y plongeons toutes les deux au même instant, impatientes de combler nos féminités.

Unies dans cette osmose de l'échange de nos fluides, comme lorsque la mer vient pénétrer insidieusement la coque d'un navire trop longtemps laissé à quai, nos têtes rejetées en arrière afin de mieux ressentir nos énergies vitales et sexuelles, bien mieux que dans une posture tantrique, les seuls mantras qui accompagnent les mouvements coordonnés de nos deux bassins et le balancement de nos seins, rythmant nos doux va et viens d'une mélopée lancinante, sont tes gémissements et les miens, et nos souffles qui s'accélèrent à mesure que monte la vague qui nous inondera toi et moi et nous emportera au bout de notre plaisir, telle un tsunami dévastateur.

Je la sens venir, du fond de nos profondeurs, tes parois et les miennes se resserrant autour de nos doigts, commençant à se contracter et se relâcher de plus en plus vite, de plus en plus fort, de plus en plus intensément, à la fois désireuses de nous garder prisonnières et de nous ouvrir totalement l'une à l'autre, écartelées entre nos deux envies contradictoires, en quête d'absolu, caprices de divinités. Puis dans un dernier râle de total abandon, un lâcher prise sans limites, hors du temps et de l'espace, là où plus rien n'existe, nous nous laissons enfin aller au plaisir jouisseur et sans retenue que nous sentons couler entre nos cuisses, merveilleux élixir de vie que nous nous partageons de nos bouches, léchant nos doigts entremêlés et luisants de nous deux entre nos baisers qui viennent combler ce doux moment, nous avalant l'une et l'autre dans cette communion de nos sens enfin révélés.

Reste, ne pars pas, pas cette fois...de ton vaisseau faisons un feu de joie, il se consumera bien plus vite que le feu qui brûle encore en moi. Regarde, ma douce, sa figure de proue se dresse vers les cieux dans un ultime adieu, avant de s'embraser.

© Les Contes Oniriques, 2018
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